Le 06/11/2025
Horizon 2030
L’emménagement des professionnels dans le Nouvel Hôpital Psychiatrique (NHP) en janvier prochain et après deux années de travaux, marque une étape majeure du projet hospitalier Horizon 2030 du CHRU de Tours. Composé de 10 unités de soins et d’un total de 170 lits, le NHP regroupera en un seul lieu l’intégralité de l’hospitalisation complète de psychiatrie du CHRU (hormis l’unité d’hospitalisation pour enfants localisée sur le site de Clocheville).
Avec ce nouveau bâtiment, le CHRU de Tours se dote d’un outil à la hauteur de ses ambitions : une psychiatrie intégrée au soin global, ouverte sur le territoire, résolument moderne et respectueuse des personnes. Le NHP est aussi et surtout l’occasion de repenser entièrement l’organisation de la prise en charge des patients souffrant de pathologie psychiatrique.
Entretien avec le Professeur Vincent Camus, Psychiatre, Chef du pôle Psychiatrie-Addiction du CHRU qui nous détaille les grands principes du projet.
« Le NHP, ce n’est pas un bâtiment, c’est une philosophie de prise en charge »
Le NHP est sur le point d’ouvrir… Qu’est-ce qu’il va changer dans l’offre de soins psychiatrique tourangelle ?
Pr V. Camus : L’ouverture va modifier en profondeur le paysage de la psychiatrie tourangelle. Le NHP, qui est dédié à l’hospitalisation complète regroupera toutes les unités actuellement dispersées dans l’agglomération en un lieu unique. Il permettra dans le même temps de rendre l’offre ambulatoire plus lisible. Puisque je le rappelle : l’hospitalisation ne concerne que 10 % des patients pris en charge dans les dispositifs de psychiatrie publique, elle ne concerne que les phases aiguës de la maladie et se veut de courte durée. Le soin psychiatrique est d’abord ambulatoire. Depuis de nombreuses années maintenant, une organisation territoriale de l’offre de soins a été mise en place. Ainsi chaque service est censé offrir des lits d’hospitalisation et un dispositif ambulatoire (consultations et soins séquentiels de jour) pour un territoire donné.
A Tours historiquement, l’offre de soins était couverte par 4 services indépendants, se partageant la responsabilité des soins sur l’ensemble de l’agglomération tourangelle.
Ce que le NHP va changer, ce n’est pas seulement de garantir des conditions d’accueil de très bonne qualité, mais c’est surtout d’offrir la possibilité de faire évoluer l’organisation des soins de façon à mieux couvrir les besoins tout en respectant la logique territoriale de l’offre de soins.
Ainsi, les implantations des centres ambulatoires (à Tours Nord, aux Fontaines et à Joué-lès-Tours) ont été repensées, améliorées dans leur capacité d’accueil, leur taille critique (qui garantisse une continuité des soins en semaine) et leur accessibilité (notamment par les transports en commun).
De plus l’ensemble des unités d’hospitalisation complète de psychiatrie adulte vont se retrouver sur le même site, garantissant une meilleure coordination des acteurs, une meilleure harmonisation des pratiques. De plus, des besoins actuellement non couverts, se verront désormais satisfaits par la création d’unités spécialisées : unité de soins complexes en addictologie, unité de psychiatrie de la personne âgée, unité d’accueil et d’évaluation d’adultes souffrant de troubles du neurodéveloppement.
De plus l’ensemble des unités d’hospitalisation complète de psychiatrie adulte vont se retrouver sur le même site, garantissant une meilleure coordination des acteurs, une meilleure harmonistation des pratiques. De plus, des besoins actuellement non couverts, se verront désormais satisfaits par la création d’unités spécialisées : unité de soins complexes en addictologie, unité de psychiatrie de la personne âgée, unité d’accueil et d’évaluation d’adultes souffrant de troubles du neurodéveloppement.
En amont de l’expression des besoins préalable au concours d’architecture, nous avons posé quelques grands principes qui ont structuré l’organisation des prises en charge en hospitalisation complète.
Le premier grand principe : c’est de disposer dans le NHP, d’unités d’hospitalisation plus petites. Jusqu’ici nous fonctionnions sur un modèle d’unités à 24 voire 26 lits.
La réduction du nombre de lit est un impératif, au regard du profil clinique des patients accueillis, souvent en phase aigüe de la pathologie, qui justifie une surveillance rapprochée et de limiter les stimulations.
Dans le NHP, nous avons fait le choix de disposer de six unités de 20 lits pour la psychiatrie générale adulte, et d’une unité 20 lits pour la psychiatrie de la personne âgée (une étude préalable nous avait montré que 10% des séjours concernent des patients relevant des critères d’admission en psychiatrie la personne âgée).
Les autres unités sont de taille plus réduites :
- unité d’addictologie : 12 lits
- unité adultes souffrant de troubles du neurodéveloppement : 6 lits
- unité d’hospitalisation complète adolescents : 12 lits
« Le cœur du dispositif de soins,
ce sont les équipes »
Le deuxième principe : augmenter le ratio de soignants par patient.
Il y aura plus de soignants par patient demain dans le NHP qu’on en a aujourd’hui, notamment parce qu’en psychiatrie, l’essentiel de nos actes techniques sont des actes relationnels. Le cœur du dispositif de soins, ce sont les équipes.
Nous avons d’ailleurs beaucoup travaillé à l’intégration et à la diversification des compétences au sein des équipes.
Nous avons notamment recruté des psychologues dont certains ont des compétences très ciblées sur certaines approches en psychothérapie, des infirmières en pratique avancée, pour travailler en lien avec les médecins psychiatres et prendre le relais pour certains patients.
De nouvelles compétences vont venir étoffer la chaîne de prise en charge : aides-soignants, préparateurs en pharmacie ou encore pairs-aidants. La pair-aidance consiste à tirer parti de l’expérience et de la compétence du patient stabilisé dans sa maladie, pour accompagner le patient dans une phase la plus critique de son évolution. Nous mettons en place une véritable politique d’intégration de la pair-aidance dans nos équipes par des pairs-aidants spécifiquement formés.
Un autre principe auquel nous tenons collectivement : définir une organisation architecturale et fonctionnelle qui permette de réduire drastiquement le recours à des mesures coercitives, en prévenant mieux les troubles du comportement.
Les patients hospitalisés en phase aiguë d’une maladie psychiatrique, peuvent parfois présenter des comportements qui sont à risque pour les personnes elles-mêmes, pour les proches, et les équipes qui les prennent en charge, entraînant, en dernier recours, la mise en œuvre de mesures de sécurisation telles que des mesures d’isolement et/ou de contention.
Les choix faits en matière d’organisation de l’espace au sein du NHP, du nombre de professionnels présents, de taille des unités, etc. sont autant d’éléments importants qui peuvent aider à limiter les recours à ces mesures d’isolement et de contention. Cette volonté se traduit dans le NHP par l’aménagement des espaces, notamment l’identification de chambres d’isolement mais aussi de salons d’apaisement, la fluidité des circulations, l’accès à un espace extérieur quel que soit le niveau de criticité clinique, la grande luminosité des unités, le haut niveau d’accompagnement et de surveillance par les professionnels, etc.
Un autre point de préoccupation dans l’élaboration du projet a été de défendre des organisations spatiales et fonctionnelles qui améliorent la sécurité et la qualité de vie dans le NHP tant pour les patients que pour les professionnels.
Le saut qualitatif est très important avec le NHP. Nous avons été collectivement ambitieux dans les standards que nous nous sommes imposés, tant dans l’approche architecturale et environnementale (le choix des matériaux biosourcés, l’installation photovoltaïque, les aménagements paysagers), le bâtiment est élégant, ouvert sur l’extérieur, privilégiant une offre de chambres seules, il participe à créer un lieu apaisant et sécurisant, que dans l’approche médico-soignante, avec l’amélioration des ratio soignant/patient, des conditions d’accueil des patients et des conditions d’environnement de travail considérablement améliorés.
« la personnalisation du parcours
est la clé du rétablissement »
Revenons sur la spécificité de l’hospitalisation complète du NHP avec ses différentes unités. Comment sont-elles organisées et à qui s’adressent-elles ?
Pr V. Camus : Concrètement, les unités d’hospitalisation sont pensées pour accueillir les patients atteints des pathologies psychiatriques les plus courantes, notamment les maladies du spectre de la schizophrénie, les troubles de l’humeur, dans les formes les plus graves, lors des phases aiguës de la maladie.
Pour la psychiatrie adulte, les 6 unités d’hospitalisation répondent aux enjeux territoriaux de la prise en charge : chaque groupe de deux unités accueille préférentiellement les patients pris en charge sur l’une des structures ambulatoires de Tours nord (La Chevalerie avenue Maginot), de Tours “Centre” (aux Fontaines) et de Tours Sud (à la Douzillère et Loches).
Dans cette configuration, taux d’équipement est de 40 lits pour 150 000 habitants, ce qui peut paraître faible, mais l’objectif est que les hospitalisations soient de courte durée, notamment par la possibilité d’adressage facilité sur les dispositifs ambulatoires que nous allons renforcer.
L’ambition du projet est de proposer un soin ajusté à chaque âge de la vie et à chaque situation : la personnalisation du parcours est la clé du rétablissement.
Quatre unités ont été pensées pour accueillir des patients aux besoins spécifiques.
- Une unité de la psychiatrie de la personne âgée : 20 lits
> La psychiatrie de la personne âgée est aujourd’hui une sous-discipline reconnue de la psychiatrie sur le plan académique, notamment depuis la dernière réforme du troisième cycle des études médicales, qui reconnaît la spécialisation de Psychiatrie de la Personne âgée comme option tardive du DES de Psychiatrie. Les problématiques psychiatriques chez les patients les plus âgés prennent des formes différentes et nécessitent des stratégies d’intervention beaucoup plus intégrées avec les ressources de la gériatrie. Disposer d’une unité dédiée permettra de mieux répondre aux besoins de ces patients grâce à une équipe spécifiquement formée et des liens renforcés avec la gériatrie. - Une unité d’addictologie : 12 lits
> L’unité est dédiée aux situations de sevrages complexes, notamment chez des personnes qui souffrent d’une addiction aux substances psychoactives, mais avec des comorbidités somatiques ou psychiatriques. Ces patients nécessitent une prise en charge très spécifique, qui s’inscrive dans les parcours de soins portés de manière coordonnée avec les dispositifs addictologiques ambulatoires (CSAPA, ELSA) ou hospitalier (comme le Centre Louis Sevestre).
Disposer d’une unité dédiée garantit une prise en charge adaptée avec des professionnels spécifiquement formés. - Une unité dédiée aux troubles du neurodéveloppement adulte : 6 lits
> Cette unité illustre un changement de paradigme majeur pour nos organisations de soin.
Dans le NHP, cette unité dédiée aux patients atteints de troubles du neurodéveloppement (souvent avec un niveau de handicap très élevé, du fait de profils comportementaux particuliers, de déficience intellectuelle, etc.) est pensée pour accueillir des patients sur des temps relativement courts de crise ou d’évaluation. Il n’est plus question d’envisager l’hôpital comme un lieu de vie, mais plutôt comme un lieu d’expertise et de soins, en soutien des structures médico-sociales résidentielles qui accueillent souvent ces patients. Concrètement, il s’agira d’accueillir les patients de manière programmée, pour des observations de quelques jours ou quelques semaines, afin de procéder à des évaluations ou des propositions d’ajustement des traitements. L’équipe s’appuiera sur l’expertise reconnue des équipes du CHRU de Tours dans le champ de l’autisme et des troubles du neurodéveloppement, notamment le CRA et sa composante dédiée aux adultes.
« L’enjeu n’est donc pas plus aujourd’hui d’ajouter des lits,
mais bien d’assurer la continuité du parcours de soin en évitant les ruptures »
- Une unité d’hospitalisation complète adolescents : 12 lits
L’adolescence est une période de fragilité au cours de laquelle le jeune peut être sujet à des pathologies très spécifiques de cette phase développementale. Il peut s’agir de troubles anxieux, de troubles dépressifs, des conduites suicidaires, de troubles du comportement alimentaire. Cette unité existe depuis de nombreuses années, elle une composante essentielle de l’offre de soins aux adolescents, en compléments du Centre Oreste, de la Maison des adolescents, d’un hôpital de jour et d’une équipe mobile qui sont venus plus récemment compléter le dispositif.
Le NHP, c’est un dispositif d’hospitalisation complète, mais c’est aussi un projet de réorganisation de l’offre de soins, qui s’appuie notamment sur le renforcement de l’offre ambulatoire. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
Pr V. Camus : Bien sûr. Rappelons-nous que le nombre de patients pris en charge en hospitalisation complète en psychiatrie est relativement faible, puisqu’il ne représente que 10% des patients pris en charge dans les dispositifs de soins psychiatriques publics.
L’essentiel du travail de la psychiatrie est bien un travail ambulatoire, la majorité des patients est donc suivie en structures ambulatoires : des soins dispensés ailleurs qu’à l’hôpital et intégrés au plus près des lieux de vie du patient.
Notre dispositif s’est d’ailleurs récemment renforcé d’une nouvelle unité qui offre des Soins intensifs à domicile (SIPAD), qui constitue une bonne alternative à l’hospitalisation ou permet de raccourcir les séjours en hospitalisation complète, en sécurisant la sortie et le retour à domicile par le maintien d’un suivi rapproché.
L’enjeu n’est donc pas plus aujourd’hui d’ajouter des lits, mais bien d’assurer la continuité du parcours de soin en évitant les ruptures, le séjour en hospitaliastion n’étant qu’un temps très limité dans le parcours de soins.
Nous avons d’ailleurs veillé dans le choix des implantations de nos structures ambulatoires, à ce que celles-ci soient facilement accessibles, notamment par les transports en commun (les trois sites sont bien desservis par le tramway).
La dynamique impulsée par l’ouverture du NHP vous rend elle optimiste sur l’avenir de votre discipline à Tours ?
Pr V. Camus : Oui parfois les planètes s’alignent. Nous achevons la construction du NHP et la rénovation de nos organisations l’année où la santé mentale est désignée grande cause nationale et où de plus en plus de personnalités publiques prennent la parole à ce sujet. La réforme du financement de la psychiatrie nous est par ailleurs plutôt favorable, puisqu’elle devrait permettre au territoire, de bénéficier de financements de rattrapage, notre région, et plus spécifiquement au sein de notre région, notre département, étant, historiquement, parmi les moins financés de France.
En Indre-et-Loire, il n’y a jamais eu d’établissement dédié à la psychiatrie. Au contraire, Les services de psychiatrie ont toujours été intégrés à l’hôpital général, notamment au CHRU pour ce qui est des soins à destination de la population de l’agglomération tourangelle. Il me semble que c’est une chance pour notre discipline. Au cœur du site de Trousseau et à proximité directe du NHT demain, le NHP sera pleinement intégré dans l’écosystème hospitalo-universitaire.
Et puis, à l’heure où le mode de financement de la psychiatrie évolue, nous sommes sur le point de réussir une remise à niveau complète : demain nous emménageons dans un bâtiment beau, qualitatif et adapté, doté de ressources humaines aux compétences diversifiées. Cette diversification vise à redonner sens et attractivité à la discipline, alors que la psychiatrie peine encore à recruter, tant sur le plan médical que paramédical.
Le NHP mise sur un environnement de travail plus moderne, plus collaboratif et plus stimulant pour susciter de nouvelles vocations.
Le NHP est avant tout une œuvre collective.
Médecins, cadres, soignants, agents techniques, directions et partenaires ont contribué à sa conception et à sa mise en œuvre. Nous avons veillé à ce que chacun puisse s’exprimer, partager ses attentes, ses inquiétudes et ses idées. Les visites de chantier organisées pour les équipes ont permis de renforcer cette appropriation collective. C’est tout cela qui fait la force du projet. Il nous reste maintenant à le faire vivre.
« Le NHP est avant tout
une œuvre collective »
CAP sur le NHP – #2
A suivre prochainement, un entretien avec Cidalia Moussier, Directrice des soins, référente du pôle Psychiatrie-Addictologie, Katel Carré-Renault, cadre supérieure du pôle Psychiatrie-Addictologie sur le projet médico-soignant.
+ FOCUS sur les fonctions Logistique présenté par Sandrine Perrin, ingénieure logistique









